Ecologie – Vie Sociale
Republié |
Titre |
Editeur |
Auteur |
Commentaires de notre association |
Mai 2016 |
Santé-Nature-Innovation |
Jean-Marc Dupuis |
Il est intéressant d’apprendre ces influences physiques exercées sur la Terre par la Lune. |
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Juillet 2016 |
Nature & Progrès |
Éric Defourny |
Une bonne occasion pour parler de ce nouveau syndrome qui touche de plus en plus de personnes et qui demeure le grand oublié de la médecine traditionnelle… |
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Septembre 2016 |
Une formation à la bio dans l’enseignement supérieur… (la suite !) |
Nature & Progrès |
Alexia Fernandez |
une piste pour les personnes désireuses de se recycler, et pourquoi pas dans une filière de produits naturels et locaux, un métier à la portée de tous, où l’on peut retrouver toutes nos qualités et un savoir-faire ancestraux, et produire des produits locaux et sains pour les êtres humains… |
Novembre 2016 |
Reconnecter agriculteurs et consommateurs, une évidence, une nécessité |
Nature & Progrès |
Sylvie La Spina |
Cet article nous paraît d’une importance capitale pour notre santé (alimentation), pour les rapports humains qui en résulte, pour un développement sain de la chaine alimentaire. |
Janvier 2017 |
Pourquoi les gens ne changent-ils pas? |
Nature & Progrès |
Guillaume Lohest |
Un article interpelant...
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AVRIL 2019 |
La santé qui vient de sous vos pieds |
EXPLORA Santé |
Léopold Boileau | Cet article met bien en évidence le rôle primordial de l’alimentation, dont dépend la digestion, et de ce qui s’y rattache. |
AVRIL 2019 |
Comment protéger l'environnement avec notre mode de vie actuel | Santé-Nature-Innovation | Jean-Marc Dupuis | Des idées intéressantes pour une transition écologique |
NOVEMBRE 2019 |
EDITORIAL du n°124 de « Valériane », la revue de Nature & Progrès |
Nature & Progrès |
Jean-Pierre Gabriel |
Enfin ! Une personne sensée de plus, qui remet les idées en place par rapport à certaines positions politiques aberrantes et déplacées à propos des problèmes environnementaux |
NOVEMBRE 2019 |
Faillite sanitaire du système agricole intensif |
Nature & Progrès | Catherine Wattiez | Un très intéressante et instructive analyse à propos de la faillitte et des dangers de notre "mode" de culture agricole intensive |
NOVEMBRE 2019 |
L’anticapitalisme, impossible slogan, impérieuse nécessité |
Nature & Progrès |
Guillaume Lohest |
Faut-il sortir du système capitaliste pour lutter, entre autre, contre le réchauffement climatique? La réponse à cette question ne donne pas de mode d'emploi pour ce qu'elle implique comme action. |
NOVEMBRE 2019 |
Avons-nous besoin des compteurs « intelligents » pour réaliser une transition énergétique efficace ? |
Nature & Progrès |
Éric Defourny |
La vérité sur ces compteurs dits "intelligents" mais qui ne servent finalement que les intérêts de ceux qui veulent les imposer (Regardez ce qui se passe en France à propos des problèmes engendrés par ces compteurs ! ) |
NOVEMBRE 2019 |
Des céréales sans pesticides, c’est possible ! Compte-rendu de nos rencontres en fermes |
Nature & Progrès |
Frédérique HELLIN |
Se passer complètement des pesticides chimiques de synthèse en culture de céréales, est-ce réellement possible? " Comment faire? Les cultures vont-elles tomber malades? Vont-elles subir des attaques? Et que dire des rendements avec toutes les plantes indésirables qui vont pousser sans herbicides?..." Les questions sont nombreuses, mais les alternatives sont prêtes! |
∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞∞ Voici la " Lettre Santé Nature Innovation , de Jean-Marc Dupuis " parue le 13 mars 2016. Vous pouvez vous abonner (gratuitement) à ces lettres via le lien : https://www.santenatureinnovation.com/ Cet article parle de l'influence de la Lune, chose qui intéresse certains jardiniers, mais qui, d'une manière générale, peut intéresser tout un chacun car il s'agit ici d'une réalité physique que chacun vit chaque jour.
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EDITORIAL du n°124 de « Valériane », la revue de Nature & Progrès
Si l’on veut bien excepter ceux qui ont volontairement fait le choix de l’opposition, c’est un véritable gouvernement d’ "union régionale" qui préside aujourd’hui aux destinées de la Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Gageons donc que l’unité nous permettra de mieux faire face, car l’heure est grave.
Grave d’un point de vue climatique, ce n’est plus à démonter et, si notre petite région n’est évidemment pas seule en cause, travailler à améliorer sa résilience ne sera évidemment jamais peine perdue…
Grave d’un point de vue écologique car nos conditions de vie - en ce compris les terres où est globalement produite notre alimentation - continuent de se dégrader alors même que notre système agricole essentiellement axé sur le rendement court à la faillite, son principal horizon restant l’exportation sur base de prix fixés mondialement.
Grave d’un point de vue économique car l’heure approche, sans doute, où nous devrons nous débrouiller entre nous et le moins qu’on puisse dire est que la Wallonie n’a pas encore mis sur le métier l’ouvrage de la transformation alimentaire. Grave d’un point de vue politique car les populismes les plus éhontés - et leurs absurdités prêtes-à-gober qui jurent de tout solutionner - sont à nos portes...
L’heure est grave et le temps nous est compté. Nos villes suffoquent sous les voitures immobilisées, le vacarme du ciel et les particules fines, nos forêts dépérissent sous les épisodes caniculaires à répétition, nos campagnes agonisent sous les pesticides.
Et - qui l’eût cru ? - nous manquons de plus en plus fréquemment d’eau…
Or voici donc décrétée l’union sacrée de nos forces politiques, en quête d’une prospérité de plus en plus introuvable.
Tablons dès lors sur les qualités de chacun. Puissent-elles mieux résister ensemble aux puissances cyclopéennes qui écrasent aujourd’hui notre monde.
Rien n’est moins sûr, malheureusement, car les vieux réflexes et les mauvaises manières sont des travers tenaces dont on se débarrasse difficilement…
Sauf dans le secteur bio, bien sûr, où producteurs et consommateurs ont montré, ensemble, qu’un autre monde est possible.
Nature & Progrès, aux prises précisément avec quelques vieilles choses sans avenir, fait pièce dans trois actions en justice.
C’est, dans les trois cas, contraints moralement et forcés par les faits que nous avons dû nous résoudre à aller faire le "sale boulot".
Adressons ici nos plus vifs remerciements à tous ceux qui, par leurs dons, nous permettent de mener ces actions. Mais de quoi parlons-nous ?
1. du glyphosate bien sûr, lie de la honte agricole et poison parmi les poisons : Nature & Progrès est, rappelons-le, co-plaignant dans le dossier de la réautorisation de la molécule, fin 2017, par l’Union européenne.
En dépit d’une grave suspicion d’effets cancérogènes et dans des conditions décisionnelles hautement regrettables pour l’image de nos Institutions, le funeste herbicide fut remis sur le marché pour trois longues années supplémentaires.
La Région de Bruxelles-Capitale - en voilà, du courage politique ! - décida, avec quelques associations dont la nôtre, de porter l’affaire en justice.
Celle-ciest toujours pendante devant la Cour de Justice européenne qui doit se prononcer, dans les prochains mois, sur… la recevabilité du recours ! C’est sans doute le sort de l’agriculture familiale au sein de la vieille Europe qui, lentement, très lentement, se joue à cette occasion…
2. si les néonicotinoïdes ont un mérite, c’est celui d’être plus proches de nous en ce qui concerne la décision… de leur tordre le cou !
Le ministre fédéral de l’Agriculture, hélas, se plia aux intérêts d’un lobby agricole - en prenant une décision que, pensons-nous, il n’est pas en mesure de justifier - afin de déroger à ce que l’Europe avait pourtant bel et bien interdit.
Et ce n’est pas une mince affaire puisque plus de septante mille hectares de cultures de betteraves et de chicorées sont concernés, une saison de plus, par manque d’une écoute suffisamment attentive des agriculteurs et des experts de l’administration.
Associé au Pesticide Action Network (PAN), Nature & Progrès a donc déposé une requête en annulation de la dérogation et une première phase du procès a déjà eu lieu, début juin, devant le Conseil d’Etat où notre vaillant avocat fit face aux six confrères envoyés par la partie adverse.
N’ayant pas été suivis sur la condition de l’urgence, nous plaiderons donc ultérieurement sur le fond du dossier.
Et, bien sûr, nous vous tiendrons au courant…
3. nous vous parlons longuement, en pages 42 et suivantes, de la troisième action menée au sein d’un collectif initié par le Grappe et par Fin du Nucléaire. Nous nous opposons avec la plus grande fermeté au compteur électrique, sorte de GSM mouchard digne de Big Brother, qu’on nous prétend "intelligent" et qu’on va nous imposer.
Nous en avons marre de ces technologies inutiles, inhumaines, polluantes et indiscrètes, emblématiques d’une vision du progrès à présent révolue.
Chez Nature & Progrès, nous préférons cultiver l’autonomie, former et informer le citoyen pour le mettre en capacité de modérer lui-même ses consommations, plutôt que d’engager des robots idiots pour tout faire à sa place.
Place aux humains !
Il est ainsi particulièrement réjouissant de voir que les actions des jeunes en faveur du climat sont de plus en plus soutenues… par leurs grands-parents !
Pour notre santé et celle de la Terre !
Jean-Pierre Gabriel
Président du conseil d’administration
de Nature & Progrès Belgique
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Faillite sanitaire du système agricole intensif
Le système agricole intensif nous empoisonne ! De plus, le processus européen d’autorisation des pesticides est totalement défaillant car il est intégralement sous la coupe de l’industrie qui les fabrique, ainsi que le montre un récent rapport du Pesticides Action Network Europe. Comment faire pour assurer au simple citoyen des garanties minimales de santé publique ? Demander à l’Europe l’abolition pure et simple des pesticides ! C’est ce que nous vous proposons…
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Par Catherine Wattiez, Dr. Sc.
Les pesticides contaminent, à des degrés divers, toutes les couches de la population : les utilisateurs professionnels, les riverains de zones agricoles et la population générale, dont les groupes les plus vulnérables sont les individus en développement et les personnes âgées.
Un grave problème de santé publique
De nombreuses études épidémiologiques impliquent des pesticides dans plusieurs pathologies chez des personnes exposées professionnellement. Chez les professionnels, ce sont le plus souvent des pathologies cancéreuses, des maladies neurologiques et des altérations du système reproducteur.
L’intérêt de l’exposition des riverains, pour la question des conséquences, est relativement récent. Un nombre croissant de données scientifiques abondent dans le sens d’un excès de troubles divers décris en ce qui les concerne. L’association française Générations Futures suit ce sujet de près et je vous invite à consulter leur site (1). En ce qui concerne la population générale, de nombreuses études indépendantes ont également attiré l’attention sur les effets notamment hormonaux, nerveux et immunitaires d’une exposition à certains pesticides, même à faible dose, lors de périodes clé du développement de certains organes. Cette exposition peut avoir lieu dans l’utérus au niveau du fœtus, et/ou pendant l’enfance et/ou lors de la puberté.
Les pesticides perturbateurs hormonaux, par exemple, peuvent être à l’origine de cancers hormono-dépendants - tels le cancer de la prostate, des testicules et des seins -, d’altérations du métabolisme - menant, par exemple, à l’obésité et au diabète -, de disfonctionnements de l’appareil reproducteur - entraînant une diminution de la fertilité, une puberté précoce chez les filles. Les perturbateurs hormonaux peuvent aussi occasionner des problèmes cardio-vasculaires et provoquer des désordres mentaux et comportementaux - tels l’altération de la mémoire et de l’attention. Ils peuvent agir pas des mécanismes dits épigénétiques, c’est-à-dire qui impliquent l’activation ou la désactivation de l’expression de certains gènes. Certains de ces effets sont héritables et peuvent être transmis jusqu’à la quatrième génération, même si ces individus de quatrième génération n’ont jamais été exposés directement à ces perturbateurs hormonaux. Ceci a été mis en évidence chez le rat.
L’industrie écrit ses propres règles !
Le Règlement européen 1107/2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, est tel qu’il ne peut assurer le niveau élevé de protection de la santé et de l’environnement annoncé. Il est complété, de façon également critiquable, par le Règlement 283/2013, établissant les exigences en matière de données applicables aux substances actives.
Disons-le d’emblée : l’industrie des pesticides exerce une grande influence sur tout le processus d’autorisation des pesticides ! Un rapport de février 2018 du Pesticides Action Network Europe, intitulé "Homologation des pesticides - L’industrie écrit ses propres règles" (2), décrit de façon précise cette mainmise de l’industrie qui contribue à déterminer le type de tests requis par la législation et les méthodologies d’évaluation des risques. L’industrie réalise des études sans en publier ses résultats car ces études sont sous le couvert du secret industriel ! Elles ne peuvent donc pas être communiquées et ne peuvent donc pas être évaluées par des experts indépendants. A l’inverse, des études publiées par des experts indépendants - et donc examinées par des pairs - sont rarement prises en considération. Parmi les personnes chargées d’évaluer les tests à l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) ou au niveau des Etats Membres, nombre d’entre elles ont des conflits d’intérêt. La navrante saga de la ré-autorisation du glyphosate illustre bien le problème pour ceux qui ont quelque peu suivi cette question.
L’autorisation d’un produit pesticide, d’autre part, est basée sur la seule toxicité de la substance active. Rappelons qu’un produit pesticide, tel qu’il est utilisé par l’agriculteur ou le simple consommateur, est dénommé "produit formulé". Il est composé d’une substance active et d’autres substances appelées "co-formulants", destinés à faciliter l’utilisation du produit ou à améliorer son efficacité. La nature de ces "co-formulants" est, le plus souvent, considérée comme un secret industriel. Tous sont considérés, à tort, comme des substances sans effet biologique. Or de plus en plus d’études montrent que le produit formulé peut être beaucoup plus toxique que la substance active ! Citons comme exemple une étude de 2007, réalisée par le professeur Gilles-Éric Séralini de l’université de Caen et son équipe (3), qui a montré que le Roundup de Monsanto était, selon le temps d’exposition, jusqu’à mille à cent mille fois plus toxique sur des cellules embryonnaires humaines en culture que sa substance active, le glyphosate seul. Gilles-Éric Séralini et son équipe (4) ont également testé, sur divers types de cellules humaines en culture, la toxicité de neuf produits pesticides - insecticides, fongicides, herbicides -, en comparaison avec celle de leur substance active déclarée. Ces auteurs, qui ont publié en février 2014, ont montré que huit formulations sur neuf sont, en vingt-quatre heures, jusqu’à mille fois plus toxiques que leur prétendu principe actif !
Les effets d’une exposition à des produits formulés ne sont pas investigués sur le long terme. Ce sont les Etats membres de l’Union européenne qui sont, seuls, chargés de l’autorisation des produits formulés. Pourtant, le Professeur Séralini et son équipe (5) ont testé - sur deux ans, ce qui est la durée totale de vie d’un rat de laboratoire - des rats alimentés avec du maïs OGM tolérant le Roundup : du maïs OGM alimentaire non traité fut donné à un groupe de rats contrôle et du maïs OGM alimentaire traité au Roundup fut donné à un autre groupe de rats.
Un troisième groupe était alimenté avec du maïs OGM non traité mais abreuvé avec de l’eau contenant 0,1 µg/l de Roundup, cette concentration étant la limite en glyphosate permise dans l’eau potable en Europe. Ils ont ainsi montré, dans une publication de juin 2014, la survenue chez les rats de grosses tumeurs mammaires et de déficiences des reins et du foie. Ces résultats remettent en question l’innocuité des herbicides formulés à base de glyphosate, sur le long terme, à des concentrations auxquelles ils contaminent la nourriture - le maïs OGM tolérant le Roundup et traité au Roundup - et l’environnement - l’eau.
Quant aux effets cocktails…
La population générale est exposée principalement via l’alimentation, à des cocktails de pesticides, présents à faible dose. Ces cocktails de pesticides peuvent avoir des effets toxiques additifs, antagonistes ou synergiques, par exemple lorsqu’ils sont présents simultanément dans l’organisme à la suite de l’ingestion des aliments. La synergie renforce les effets nocifs de chacune des substances du mélange. Or il n’existe, jusqu’à présent, aucune prise en compte des effets cocktails des pesticides !
Ces effets cocktails sont documentés par un nombre croissant d’études récentes. Nous citerons celle de 2019 du projet européen EDC-MixRix (6) qui a mis en évidence les effets sur la santé de l’exposition combinée à un mélange de substances perturbatrices du fonctionnement hormonal. Des analyses de sang et d’urine chez des femmes enceintes ont permis d’identifier les mélanges de perturbateurs hormonaux présents, ayant des effets délétères sur la croissance et le métabolisme, le développement neurologique et sexuel.
Des effets sur le comportement, le métabolisme et le développement ont été observés chez des animaux exposés au même mélange que celui retrouvé chez les femmes enceintes et ont mis en évidence l’action spécifique de ce cocktail sur l’hormone thyroïdienne responsable, chez l’homme aussi, d’un bon développement du fœtus, du nouveau-né et du jeune enfant. Dans la majorité des cas, les substances évaluées isolément à des doses de concentration similaires à celles retrouvées dans le mélange de perturbateurs hormonaux n’avaient pas d’effets néfastes. De plus, des effets cocktails sont susceptibles de se produire fréquemment dès lors qu’un nombre croissant - environ 27% - de fruits et légumes contiennent de multiples résidus allant de deux à plus de dix résidus différents par échantillon. Ceci selon l’EFSA elle-même (7) qui publie, chaque année, les données relatives aux résidus de pesticides dans l’alimentation des européens. Je rappelle qu’il est conseillé de manger plusieurs fruits et légumes par jour…
Et aux perturbateurs hormonaux…
L’association française Générations Futures a publié, en septembre 2018, un rapport dénommé EXPPERT10 (8), concernant les cocktails de perturbateurs hormonaux dans nos assiettes. Ce rapport se base sur les données officielles relatives aux résidus de pesticides, publiées par l’EFSA. Il montre que, sur environ cent dix mille résidus de pesticides quantifiés au total par l’EFSA, 63 % sont suspectés d’être des perturbateurs hormonaux ! Ceci est évidemment très inquiétant, eu égard aux effets cocktails potentiels engendrés pour des substances - les perturbateurs endocriniens - dont on ne peut prétendre qu’une dose sûre, sans effet, existe.
On constate ici combien les critères d’exclusion des substances actives sur base de leur extrême dangerosité sont insuffisants !
Certaines substances actives sont, en effet, écartées sur base de leur seule dangerosité, sans que l’on ne tienne compte du degré d’exposition de l’homme. Il s’agit des substances classifiées cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR) "avérées" et "présumées". Les substances seulement "suspectées" d’avoir ces propriétés pourront toutefois être autorisées. Ces critères d’exclusion concernent aussi les substances peu biodégradables et fortement bioaccumulables et ayant un potentiel de propagation à longue distance dans l’environnement.
Les perturbateurs hormonaux sont, eux aussi, exclus de mise sur le marché mais le niveau de preuve demandé pour être qualifié comme tel est extrêmement élevé ! Les critères scientifiques, adoptés par les Etats membres en décembre 2017 (9), pour qualifier les pesticides de perturbateurs hormonaux exigent la caractérisation précise du mécanisme de perturbation hormonale : il faudra, non seulement, démontrer que la substance active est un perturbateur hormonal et qu’elle a des effets négatifs mais également démontrer le mode d’action par lequel ce perturbateur hormonal crée des effets négatifs. L’industrie pourra donc bien souvent arguer que ces modes d’action ne sont pas connus pour ne pas voir la substance interdite ! Seront alors laissés sur le marché la plupart des pesticides qui sont des perturbateurs hormonaux dangereux. En outre, ces critères scientifiques se limitent aux pesticides qui interagissent avec des hormones spécifiques, telles les œstrogènes, les androgènes, les thyroïdiennes et les stéroïdogéniques.
On peut enfin pointer du doigt, l’insuffisance de certains tests : les méthodologies sont dépassées et les tests incomplets. En outre, on emploie actuellement rarement les tests disponibles évaluant le potentiel de perturbation hormonale, d’immunotoxicité et de neurotoxicité du développement
Nos chances de rester en bonne santé…
Il existe, fort heureusement, des études épidémiologiques récentes nous montrant les avantages pour la santé d’une alimentation biologique. Nous citerons ici l’étude épidémiologique publiée, en octobre 2018, menée par une équipe de l’INRA, de l’INSERM, de l’université de Paris 13 et du CNAM (10), portant sur 68.946 participants. Une diminution de 25% du risque de cancers, tous types confondus, a été observée chez les consommateurs réguliers d'aliments biologiques, par rapport aux personnes n’en consommant pas ou seulement occasionnellement. Le risque de cancer du sein, chez les femmes ménopausées, a diminuée de 34% et le risque de lymphomes de 76%. Manger bio pourrait aussi être associé à la préservation d’une bonne santé cardio-métabolique, en diminuant les facteurs de risque connus du diabète et de maladies cardio-vasculaires.
Ces quelques considérations montrent, d’une part, l’insuffisance patente de protection de la santé du Règlement européen 1107/2009 qui régit le système agricole intensif conventionnel et, d’autre part, les effets favorables au maintien d’une bonne santé d’une alimentation issue de l’agriculture biologique. Nous avons donc ici suffisamment d’excellentes raisons de prôner un arrêt total de l’utilisation des pesticides de synthèse par un changement des pratiques agricoles !
Notes :
(1) Voir : www.generations-futures.fr
(3) Voir : Benachour N, Sipahutar H, Moslemi S, Gasnier S, Travert C, Séralini GE, Time-and dose- dependent effects of roundup on embryonic cells and placental cells, Arch. Environ. Contam. Toxicol., 2007 July, 53 (1), 126-133.
(4) Mesnage R, Bernay B, Seralini GE, Ethoxylated adjuvants of Glyphosate based herbicides are active principle of human cell toxicity, Elsevier Toxicology, 10 Sept 2012.
(5) Séralini et al, Etude republiée : toxicité chronique de l’herbicide Roundup et d’un maïs génétiquement modifié tolérant le Roundup, Open Access Springer, Environmental Sciences Europe, 2014, 26 :14
(6) Ake Bergman et al, Integrating epidemiology and experimental biology to improve risk assessment of exposure to mixtures of Endocrine Disruptive Compounds, final technical report, 29 June 2019 https://edcmixrisk.se
(7) Voir : https://www.efsa.europa.eu/en/efsajournal/pub/5348
(9) Voir : http://lynxee.consulting/europe-publication-criteres-perturbateurs-endocriniens/
(10) Voir : Inra, Inserm, Université de Paris 13, CNAM, Moins de cancers chez les consommateurs d’aliments bio, Jama Internal Medecine, 22 octobre 2018 https://presse.inserm.fr/moins-de-cancers-chez-les-consommateurs-d’aliments-bio/32820
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Comment c’est en train de changer (6)
L’anticapitalisme, impossible slogan, impérieuse nécessité
Le monde est en train de basculer. Pour ceux qui partagent cette évidence, il est indispensable d’échanger des vécus, des horizons, des pratiques, des idées, des récits et même des émotions. Les regards portés sur les grandes ruptures en cours peuvent être variés voire contradictoires, car l’avenir est plus que jamais incertain. Cette rubrique explore comment les choses sont en train de changer.
Sixième volet : faut-il sortir du système capitaliste pour lutter, entre autres, contre le réchauffement climatique ? La réponse à cette question ne donne pas de mode d’emploi pour ce qu’elle implique comme action.
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Par Guillaume Lohest
On l’entend depuis toujours dans les milieux militants mais c’est assez récent dans le grand public et dans les médias : sortir du capitalisme semble revenu à l’ordre du jour. Au printemps dernier, la bloggeuse Emma, qu’on avait découverte grâce à sa mise en BD du concept de charge mentale, a publié un petit livre stimulant, intitulé Un autre regard sur le climat.
Elle y défend l’idée, avec pédagogie et humour, qu’on ne peut rien attendre des capitalistes et des États à leur solde, qu’il faut donc uniquement compter sur l’intelligence et les luttes collectives. Plus récemment, c’est Félicien Boogaerts, créateur de la chaîne YouTube Le Biais Vert, qui interrogeait la figure de Greta Thunberg dans son court-métrage Anita. Il y insinue, avec subtilité mais ambiguïté, la suspicion sur la récupération par le “système” du personnage d’Anita. Et même Nicolas Hulot, qui est loin d’être marxiste, l’affirmait lors de sa démission surprise : “On entretient un modèle économique responsable de tous ces désordres climatiques”…
Réponse : oui !
La question, légitime, reprend donc place dans les grands médias : “Faut-il sortir du système capitaliste pour lutter contre le réchauffement climatique ?” Réponse : oui ! C’est étrange, au fond, quand y pense, qu’on reprenne le problème par cette question-là. Car cela fait des années que le capitalisme vert, la croissance verte, le développement durable, non seulement ont été démontés dans leurs fondements théoriques, mais donnent le spectacle permanent de leur totale inefficacité en la matière.
D’un point de vue théorique, Daniel Tanuro - L’impossible capitalisme vert, 2010 - est l’un des auteurs qui explique le plus clairement pourquoi il est impossible de lutter contre le réchauffement climatique en restant dans le cadre d’une société capitaliste. “Il y a évidemment des capitaux « verts », puisqu’il y a des marchés « verts » et des possibilités de valoriser du capital. Mais la question n’est pas là. Si l’expression « capitalisme vert » a un sens, c’est en effet de supposer possible que le système rompe avec la croissance pour auto-limiter son développement et utiliser les ressources naturelles avec prudence. Cela ne se produira pas, car le capitalisme fonctionne sur la seule base de la course au profit, ce qui s’exprime dans le choix du PIB comme indicateur. Or cet indicateur est totalement inapte à anticiper les limites quantitatives du développement, et encore plus inapte à percevoir les perturbations qualitatives induites dans le fonctionnement des écosystèmes.”
Par ailleurs, en-dehors même de toute démonstration théorique, le capitalisme vert est empiriquement en échec, dans les faits. Le développement durable était peut-être, sur papier, une belle idée mais il s’est avéré qu’en pratique, il a seulement pris la forme d’un capitalisme vert totalement inefficace. Les émissions mondiales de CO2n’ont jamais diminué, pas une seule année depuis trente ans. Certains petits malins diront probablement que c’est parce qu’on n’a jamais essayé vraiment le capitalisme vert. On leur répondra que nous n’avons vraiment pas envie de passer les trente prochaines années à réessayer la pire des réponses possibles à laquelle d’ailleurs personne n’a vraisemblablement jamais vraiment cru.
L'anticapitalisme vert...
Le capitalisme vert est une impasse totale, considérons cela pour acquis. Comment expliquer, alors, qu'un vaste mouvement anticapitaliste n'ait pas déjà émergé ? C'est ici que cet article entre en zone de turbulences parce qu'il va prendre à rebours le bon sens militant le plus élémentaire, voire le bon sens tout court. Il faudra certainement mettre ces réflexions à l'épreuve dans les mois à venir mais c'est néanmoins ainsi qu'elles apparaissent, dans le tempo très rapide des mobilisations pour le climat qui se réfléchissent et se critiquent presque plus rapidement qu'elles ne s'organisent. Cette provocation n’est pas gratuite : elle a pour but d’interroger un regain de discours anticapitalistes et antisystème dans l’espace des mobilisations actuelles, discours qui me semblent, en l’état, dépolitisant. Soyons clairs : ce n’est pas l’anticapitalisme comme analyse critique qui est en cause ici mais son déploiement comme étendard, comme une sorte de fétiche qui pourrait soudain nous exonérer de penser le caractère inextricable de notre situation. Mais allons-y, mettons l'hypothèse en pâture.
J'avance donc l'idée que l'anticapitalisme, en tant que discours prosélyte de mobilisation, est une réponse en miroir aussi creuse, aussi rhétorique que la question posée par les médias. "Faut-il sortir du capitalisme pour lutter contre le réchauffement climatique ?", font mine de s'interroger les uns en connaissant parfaitement l'évidence de la réponse. "À bas le capitalisme", clament les militants. Le chien aboie, la caravane (du capitalisme) passe.
… mais l’impossible posture révolutionnaire
Alors oui, le capitalisme est une impasse. Mais faire de ce constat de base une bannière de ralliement l'est tout autant. Pourquoi ? Parce que l’enjeu n’est pas de faire comprendre théoriquement à nos contemporains que Marx avait raison mais de se défaire collectivement des rapports sociaux et de l’imaginaire qui caractérisent le système capitaliste. Or, à brandir des slogans qui laissent penser qu’il existe une chose, le capitalisme, qui nous serait extérieure et qu’il suffirait d’abolir, on se ment collectivement sur l’ampleur du problème. Plus précisément, on cherche à attirer l’attention de tous sur un méga-objet théorique, totalisant, comme s’il s’agissait d’un bloc solide à dynamiter, alors qu’on est plutôt en présence d’un liquide visqueux qui nous colle à la peau, y compris à celle de la plupart des militants anticapitalistes.
L’image vaut ce qu’elle vaut ; je pense que les gens ne s’y trompent pas. Ils savent que la ligne de partage entre exploitants et exploités n’est plus aussi limpide qu’en 1917, qu’elle s’est démultipliée et a colonisé, jusqu’à l’intime, les rapports sociaux. Les classes moyennes et populaires occidentales - tant que l’on peut encore se permettre cette expression - ont comme intériorisé le pacte social passé avec le système capitaliste : elles savent qu’elles lui doivent une bonne partie de ce qu’elles ont encore, de ce qu’elles n’ont pas encore perdu. Elles ont conscience, au fond, que la question n’est pas d’abattre le capitalisme par une démonstration ou une révolution, mais de s’en défaire.
Il reste, bien sûr, des milliards de personnes, dans ce monde, qui peuvent légitimement se définir comme totalement perdantes de l’histoire capitaliste, sous tous les rapports d’exploitation, et donc légitimement entrer en révolution contre des adversaires totalement distincts d’eux-mêmes. Ce n’est pas le cas des classes moyennes occidentales. Et elles le savent, confusément peut-être, mais assez clairement pour rendre le kit de la révolution anticapitaliste à la grand-papa peu praticable à leurs yeux.
Et pourtant, ce kit revient en force, sous la forme d’un expédient rhétorique qu’il suffirait de nommer pour solutionner toutes les difficultés d’un seul coup : non seulement celles, gigantesques, de l’intrication des crises - climat, dette, biodiversité, épuisement des ressources, pollutions, inégalités, etc. - mais aussi celles de toute mobilisation de masse, de toute lutte collective : la pluralité des approches, des leaderships, des visions et des stratégies, la superposition des dominations, les dynamiques provisoires et instables, la frustration du manque de résultat, les querelles d’ego.
Militer pour une abstraction
Revenons au climat. Depuis plusieurs mois déjà, des voix s'élèvent pour dire qu'avec les marches climat, on fait fausse route. Que c'est trop gentil. Qu'on n'obtiendra rien de cette manière. Que ce sont des mobilisations de bobos. La frustration et l’impatience montent. On appelle à davantage de radicalité, ce qui, vu la situation, est indispensable !
Le problème ne se situe pas dans cette saine et logique frustration, en soi, mais dans le fait qu’elle amène de nombreux militants à réhabiliter une conception de la militance et de l’engagement que j’estime problématique, voire infantile. Il s’agit de ce que le philosophe Miguel Benasayag appelle “l’engagement-transcendance”. “Dans les dispositifs transcendants, écrit-il, le moteur de l’agir se trouve ailleurs que dans les situations concrètes : dans une promesse.” Appliquée aux mobilisations pour le climat, cette analyse pointe le risque d’une fuite en avant dans un discours anticapitaliste ou, plus sommairement encore, antisystème, qui résonnerait comme la promesse d’un monde non capitaliste, avec un réchauffement climatique qu’il serait encore possible de maintenir sous les 2°C. Cela signifie que l’action militante devient subordonnée à ce rêve, à cette illusion, à ce que Nietzsche appelait un “arrière-monde”, poursuit Benasayag, “un monde derrière celui-ci, paradis sur terre rêvé, société de fin de l’histoire au nom de laquelle on se bat, qui justifie la lutte, le sacrifice de cette vie et que l’engagement a pour but de faire advenir.”
L’idéal de “stabilisation” du climat réactive un rêve de stabilisation plus globale : un monde sans capitalisme, sans conflits, sans pollution, sans compétition, sans injustices. Or ce monde est une pure abstraction, il n’existe pas : croire en lui et militer pour le faire advenir condamne ceux qui se livrent à cette chimère à devenir des “militants tristes”, dit Benasayag, car sans cesse déçus par un réel toujours en deçà de leurs attentes. “La “tristesse” du militant renvoie à l’affect propre à l’interprétation du monde qui est la sienne. Pour lui, le monde est une erreur : il n’est pas tel qu’il doit être. Le vrai monde est autre, ailleurs, et militer, c’est sacrifier le présent à l’avenir, ce monde-ci à l’autre, le vrai, le parfait : le seul qui vaille la peine d’être vécu.”
Contre un anticapitalisme de posture
Ainsi déçu, aigri, le militant se met à chercher sans fin les causes de l’échec dans des erreurs théoriques et stratégiques. Il accuse les autres militants d’être trop ceci, pas assez cela, endormis, instrumentalisés ou manipulés, jamais assez “purs” en somme. Le bla-bla prolifère, semant la division. C’est la course à qui sera le plus radical, le plus intransigeant. Le moindre lien avec ce qui est assimilé au capitalisme - qui est partout - est signe de compromission. N’y a-t-il pas quelque chose de cet ordre dans les débats sans fin au sujet de la bonne stratégie à adopter au sein des luttes climatiques, dans la suspicion à l’égard de Greta Thunberg, dans les critiques de plus en plus dogmatiques entre différentes chapelles stratégiques, ceux qui organisent les marches, ceux qui ne croient qu’en l’action directe, ceux qui ne croient qu’en la révolution ?
Une analyse anticapitaliste du monde est indispensable mais ne nous dispense pas d’affronter le réel. Elle est à distinguer d’un anticapitalisme de posture qui ne sert, lui, qu’à cela : se masquer à soi-même l’extrême complexité de la situation de lutte. C’est, en quelque sorte, la soupape de sécurité du désespoir militant. Ou, pour le dire positivement, la soupape de sécurité du désarroi vis-à-vis d’un agir complexe, que Benasayag appelle un agir “situationnel”, un engagement-recherche ou un engagement immanent. Ce type d’engagement, au contraire de l’engagement-transcendance, qui “est le fruit d’une raison consciente d’agir”, est “l’expression d’un désir vital. Et c’est ce désir qui fait sa force, celle de répondre au défi de cette époque.”
Inlassablement et minutieusement
J’ai conscience qu’il est très compliqué d’accepter ce que disent ces lignes car cela rompt avec la vision classique, tellement répandue, de l’utopie nécessaire pour “changer le monde”. Mais je pense que cela vaut la peine d’essayer de sortir de ce schéma. Sinon, on reste dans une mentalité à la fois religieuse - dans la lutte - et binaire - dans l’analyse. “Puisque les politiques ne réagissent pas, puisqu’il est de toute façon certain qu’on ne pourra contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2°C, alors les marches climat sont inutiles”, pense le militant religieux binaire.
Je pense, pour ma part, que les marches pour le climat sont à la fois totalement inutiles ET absolument indispensables. Vivre et militer au cœur de ce paradoxe implique de sortir d’une vision idéaliste, celle d’un changement qui serait “causé par la volonté et l’action d’une conscience éclairée”, pour lui opposer une “vision plus réaliste du changement comme émergence liée à une série de processus tout à fait décentralisés et aveugles, non voulus et non concertés, donc.”
Les marches pour le climat sont totalement inutiles en regard de l’objectif concerté - et un peu abstrait - de maintenir le réchauffement sous la barre des 2°C. Elles sont par contre totalement indispensables car elles sont une matrice dans laquelle se déploie une pluralité de situations réelles : situations de lutte, de vie, d’analyse, de cheminements, d’alliances, etc. Et toutes ces situations, liées selon les mots de Benasayag à un “désir vital”, et non à un objectif programmatique, peuvent déboucher sur des transformations, peut-être insoupçonnées, peut-être même souvent insoupçonnables. Par ailleurs, dans cet engagement “en situations”, les “groupes, classes, genres, secteurs sociaux, ne sont pas d’emblée et pour toujours dans un rôle invariant : un même groupe profondément réactionnaire dans une situation peut, par exemple, participer dans un autre à l’émancipation, et inversement.”
Enfin, contenir au maximum le réchauffement garde du sens, même en-dehors de la fixation d’un seuil réaliste ou souhaitable. On peut lutter en-dehors de la vision “solutionniste” d’un objectif programmatique préétabli. Obtenir des changements radicaux dans les politiques fiscales, agricoles, énergétiques, dans les domaines de la consommation, du logement, etc., tout cela demeure absolument indispensable et urgent, quel que soit le degré de réchauffement. Comme le dit l’écrivain américain Jonathan Franzén dans une tribune extraordinaire, même si on accepte que la bataille du réchauffement climatique est perdue dans sa globalité, “tout mouvement vers une société plus juste et plus civile peut désormais être considéré comme une action significative en faveur du climat. Assurer des élections équitables est une action climatique. La lutte contre l'inégalité extrême des richesses est une action climatique. Fermer les machines de la haine sur les médias sociaux est une action pour le climat. Instaurer une politique d'immigration humaine, défendre l'égalité raciale et l'égalité des sexes, promouvoir le respect des lois et leur application, soutenir une presse libre et indépendante, débarrasser le pays des armes d'assaut, voilà autant de mesures climatiques significatives. Pour survivre à la hausse des températures, chaque système, qu'il soit naturel ou humain, devra être aussi solide et sain que possible.”
Se défaire du capitalisme est indispensable, redisons-le. Pour lutter contre le réchauffement climatique entre autres. Mais c’est un point de départ, un moteur, une nécessité au sens philosophique du terme : cela “ne peut pas ne pas être”. Faire de l’anticapitalisme un slogan ou une posture de ralliement reviendrait à transformer cette puissance d’agir en folder marketing - pour les autres -, voire en exutoire - pour soi. Passer de la nécessité au processus de transformation, commencer à se défaire du capitalisme, en un mot, c’est le prendre par tous les bouts de réel où il revêt l’habit d’une injustice précise, d’une insoutenabilité, d’un dégât, d’une exploitation, d’une violence… Pas en mode cosmétique, bien sûr. Il ne s’agit pas de le peindre en vert mais de le prendre et de ne pas le lâcher. De s’en défaire inlassablement et minutieusement jusqu’à ce qu’on constate qu’il n’est plus là.
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Avons-nous besoin des compteurs
« intelligents » pour réaliser une
transition énergétique efficace ?
Imaginez. Vous souscrivez, auprès de votre fournisseur d'électricité, à un pack écoflex qui vous permet de bénéficier d'un tarif bas. Mais, en contrepartie, vous acceptez que ce soit votre fournisseur qui décide quand vous consommez de l'électricité. Concrètement, lorsque vous partez le matin au travail, vous enclenchez votre lave-vaisselle, votre lessiveuse et votre aspirateur-robot et, grâce à un système de communication de données, c’est lui qui choisit d’allumer vos appareils électriques… au moment où ça l'arrange le mieux ! Voici, à terme, ce que permettraient de faire les compteurs dits "intelligents" qui ne sont, en réalité, rien d’autre que des compteurs communicants…
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Par Éric Defourny
Dans l'immédiat, les compteurs de ce type vont surtout permettre aux fournisseurs d'électricité de se passer du relevé manuel de la consommation et de simplifier ainsi la facturation. Le compteur lui transmettra en temps réel la consommation électrique de chaque ménage, permettant également de diminuer la puissance livrée chez les personnes en retard de payement, ou de couper carrément le courant sans devoir intervenir sur place.
Mais de gros problèmes se posent !
Ces nouveaux compteurs - qu'ils soient appelés compteurs communicants, smart meters, compteurs connectés ou même compteurs "intelligents" - soulèvent beaucoup de questions d'ordres très variés. Et ce certainement depuis qu'un Décret wallon et une Ordonnance bruxelloise ont été votés, en juillet 2018 - et publiés au Moniteur en septembre 2018 -, afin d'obliger chaque ménage à se doter d'un tel compteur. Quels sont les problèmes qu’ils soulèvent ?
- Problèmes de protection des données de la vie privée
Avec ces compteurs connectés le gestionnaire de réseau saura à quel moment de la journée vous consommez du courant. Dans le futur, grâce à l’"intelligence" des objets qui n'est autre que l'interconnexion des objets, il pourrait même savoir quels appareils vous utilisez. Toutes les données recueillies par ces compteurs seront transmises au gestionnaire via les réseaux GSM et par Internet. Le réseau électrique va donc être couplé au réseau Internet et, de ce fait, toute la vulnérabilité d'Internet va être étendue au réseau électrique, ce qui comporte beaucoup de risques : risques de piratage, d'espionnage, de vente de données, etc. De plus, la cyber-sécurité des compteurs communicants n'a pas été convenablement pensée car ils ne sont protégés que par des codes assez rudimentaires qu'il est facile de casser pour en prendre le contrôle. Le réseau de transport d'électricité - qui est déjà muni d'électronique mais bien moins que si les compteurs communicants étaient généralisés - fait déjà régulièrement l'objet de cyber-attaques. L'Allemagne a d'ailleurs exigé que les transferts de données des compteurs connectés se fassent au niveau de sécurité des télécommunications bancaires. Mais cette exigence augmente considérablement la consommation électrique et le coût des compteurs communicants, ce qui a amené le gouvernement allemand à faire le choix d'un déploiement sélectif.
- Problèmes de facturation
Dans tous les pays où les compteurs communicants ont déjà été installés, la facture d'électricité des consommateurs a augmenté ! Pourquoi ?
1. La fabrication et le placement de ces nouveaux compteurs, leur consommation d'électricité pour fonctionner et pour transmettre les données qu'ils recueillent, tout cela a un coût qui est inclus dans le montant de la facture d'électricité.
2. En France, l'installation des compteurs communicants nous apprends qu'avec eux, la consommation électrique n'est plus indiquée en kilowatt/heure (Kwh = consommation active d'énergie) mais en kiloVolt/Ampère (KVA = puissance électrique apparente) (1). Cette dernière unité engendre une augmentation théorique de la consommation d'électricité mais aussi une augmentation de la facturation qui, elle, n'a rien de théorique…
3. De plus, une étude hollandaise a montré que sur neuf compteurs communicants testés durant une période de six mois, sept n'étaient pas fiables. Cinq d’entre eux étaient responsables d'une surfacturation, allant dans certains cas, jusqu'à 582 % et deux étaient responsables d'une sous-facturation atteignant au maximum 30 % (2).
Avec ces compteurs, impossible pour le client de contester une facture ! Et s’il refuse de payer, le fournisseur peut diminuer la puissance livrée ou couper le courant, sans même se déplacer…
- Problèmes de santé publique
En Wallonie et à Bruxelles, la technologie qui sera utilisée pour le transfert des données n'est pas encore connue mais ce sera probablement le système GPRS, c'est à dire que les données seront transmises via le réseau GSM. Chaque compteur communicant serait ainsi un émetteur d'ondes électromagnétiques pulsées et leur déploiement massif - étant donné que de grandes quantités de données devraient transiter via le réseau d'antennes GSM - engendrerait une augmentation généralisée de l'exposition de la population à ce type d’ondes.
De très nombreuses études scientifiques ont pourtant montré leur impact négatif sur l'organisme humain, les animaux et les végétaux, affaiblissant notamment le système immunitaire. Les personnes les plus vulnérables sont, bien sûr, les personnes malades, les femmes enceintes et leurs fœtus, les enfants et les personnes électro-hypersensibles. Étrangement, ces dernières ont reçu une attention particulière dans le Décret wallon qui indique que le gouvernement va déterminer les mesures que devra prendre le gestionnaire de réseau pour les utilisateurs se déclarant souffrir d'un problème d'intolérance, dûment objectivé, lié au compteur intelligent. Ce passage a de quoi laisser perplexe car comment fait-on pour objectiver un syndrome qui n'est pas reconnu officiellement ? Un passage similaire, quoique différent, se trouve aussi dans l'Ordonnance bruxelloise.
Certes, ces intentions sont positives mais démontrent surtout la méconnaissance du législateur en matière d'impact de la pollution électromagnétique sur la santé car tout être vivant est électro-sensible et doit avoir le droit de vivre dans un environnement électromagnétique sain. Rappelons que de nombreuses études scientifiques ont déjà montré que les ondes GSM peuvent (3) :
- avoir des effets génotoxiques,
- avoir des effets sur les protéines de stress,
- avoir des effets sur le système immunitaire,
- voir des effets neurologiques et comportementaux,
- avoir des effets sur la barrière hémato-encéphalique,
- provoquer des tumeurs du cerveau et neurinomes de l'acoustique,
- provoquer des leucémies infantiles,
- avoir des effets sur la sécrétion de mélatonine,
- avoir des effets promoteur sur la genèse du cancer du sein,
- avoir des effets sur la fertilité et la reproduction,
- avoir des effets sur le fœtus et sur le nouveau-né,
- etc.
- Problèmes de fiabilité
Les compteurs communicants sont des appareils électroniques sophistiqués et complexes. Dans tous les pays où ils sont installés, ils se révèlent peu fiables et parfois même dangereux. Les problèmes rencontrés proviennent de pannes et de défauts électriques, électroniques et logiciels, qui provoquent notamment des erreurs de mesures et de facturation, des courts circuits, des échauffements anormaux du compteur… et parfois même des incendies !
- Problèmes écologiques
Remplacer des millions de compteurs électromécaniques simples, robustes et fiables - qui ont une durée de vie de quarante et même parfois de septante ans - par des compteurs électroniques sensibles, fragiles et vulnérables et dont la durée de vie est estimée à quinze ans, est-ce vraiment agir en faveur d'une transition énergétique efficace ? Si l'on tient compte du bilan énergétique des compteurs communicants à partir de leur fabrication, leur généralisation est encore moins justifiée. La fabrication des composants électroniques des nouveaux compteurs nécessite, en effet, l'usage de terres rares dont l'extraction et le raffinage nécessitent énormément d'énergie et engendrent une très importante pollution de l'air, du sol et de l'eau. Les standards écologiques de nos pays ne permettent plus ce genre d'activités minières, ce qui a engendré une délocalisation de ces activités dans des pays lointains bien moins regardants sur la préservation de l'environnement… Le recyclage des composants électroniques des smart meters est extrêmement coûteux car les performances de ces composants reposent sur des combinaisons très fines de nombreux éléments qu'il est très coûteux et techniquement très compliqué de séparer.
Quant aux supposées économies d'énergie que les compteurs communicants permettraient à chaque foyer de réaliser, les analyses permettent d'en douter grandement. La plupart des personnes sélectionnées - jusqu'à 95 % - ont refusé de participer aux "programmes énergétiques intelligents", note Grégoire Wallenborn, docteur en sciences de l'environnement et enseignant à l'ULB et à Paris VΙΙ, dans son "Avis sur les compteurs communicants", adressé aux membres du Parlement Wallon. Les tests visant à montrer l'efficacité des compteurs se sont donc déroulés sur base volontaire et ont, dès lors, impliqué des usagers déjà intéressés par leur consommation d'énergie. Grâce à un instrument informant de la consommation instantanée ou historique, du prix, des émissions de CO₂, etc. installé avec le compteur communicant, les ménages-témoins ont réduit leur consommation électrique de 2 à 4 % la première année, l'effet s’atténuant avec les années. De simples campagnes de sensibilisation sont beaucoup plus efficaces pour aider les ménages à réaliser des économies d'énergie.
Une obligation européenne ?
Le déploiement des compteurs communicants est présenté comme une obligation pour se conformer aux Directives européennes mais ces Directives laissent le soin aux états membres de déterminer si la généralisation des compteurs communicants sur leur territoire est intéressante et nécessaire. Et, en 2012 déjà, les trois régions de notre pays ont fait savoir que leur évaluation n'était pas favorable à l'installation des compteurs communicants !
Vis à vis de l'Europe la Belgique n'a donc aucune obligation d'installer ces compteurs. Preuve supplémentaire que l'"obligation européenne" n'en est pas une :
- l'Allemagne a décidé de renoncer à la généralisation du recours aux compteurs communicants, seuls les gros consommateurs et les prosumers - les clients producteurs et consommateurs d'électricité - y seront équipés de compteurs communicants,
- les Pays-Bas ont décidé de fournir à chaque ménage un compteur communicant mais laissent le choix au consommateur de s'en servir ou non. Résultat : seulement 25% des ménages l'utilisent.
Un marché juteux !
Quoiqu'en dise le lobby industriel des compteurs communicants - European Smart Energy Solution Providers -, le déploiement des smart meters n'est pas nécessaire à la transition énergétique. Par contre, pour ces industriels, leur déploiement représente, au niveau de l'Union Européenne, un budget potentiel de plus de cinquante milliards d'euros, dont plus de deux milliards d'euros pour la seule Wallonie. En plus de la maintenance du système, une autre source de profits explique l'engouement des gestionnaires de réseau de distribution pour les compteurs communicants : le big data, c'est à dire l'ensemble des données que ces compteurs vont recueillir sur les utilisateurs. Ces données font l'objet de beaucoup d’énormes convoitises car elles peuvent être utilisées à des fins commerciales.
Vers la sobriété numérique
Les enjeux écologiques et sanitaires ne nous permettent plus de perdre du temps avec de fausses bonnes solutions comme les compteurs connectés. Une vraie politique d'économie d'énergie, réellement efficace, doit être mise en place... et rapidement ! Les ampoules, les frigos et les lave-vaisselles ont une consommation électrique de moins en moins importante, ce qui est réjouissant. Mais peu de citoyens admettent encore qu'envoyer un e-mail avec une pièce jointe un peu trop "lourde" équivaut à la consommation d'une ampoule économique pendant une heure ? Et qui sait que regarder un film en streaming engendre une consommation d'électricité, par les serveurs du réseau Internet, largement plus élevée que celle d'une télévision ordinaire pendant la même durée ? Cette consommation électrique ne se trouve pourtant pas sur nos factures d'électricité car c'est le réseau Internet qui consomme le courant. Or la sobriété a aussi toute sa place dans le domaine numérique ! Il peut donc être intéressant de se demander, sans culpabiliser inutilement, s’il est vraiment nécessaire de télécharger tel ou tel document, d'envoyer par e-mail telle ou telle pièce "lourde" - photo, vidéo - ou de laisser son smartphone ou sa tablette allumés ? Ces appareils, même en veille, communiquent en permanence avec l'antenne la plus proche, ce qui engendre une consommation électrique "cachée". Les budgets prévus pour le déploiement des nouveaux compteurs ne pourraient-ils donc pas être beaucoup plus utilement utilisés dans le cadre d'une campagne de sensibilisation au gaspillage permanent d'électricité ? Les compagnies d'électricité semblent vouloir nous aider à faire un maximum d'économies d'énergie. Mais n'est-il pas illusoire de croire qu'une industrie va nous donner des conseils qui vont engendrer une réelle diminution de ses profits ? Un changement de système sera plus que probablement nécessaire afin de pouvoir amorcer une transition énergétique véritablement efficace.
Des alternatives sont possibles !
La décentralisation de la production d'électricité et la multiplication des producteursamènent des changements dans la gestion de l'offre et de la demande. Mais, selon certains spécialistes, la gestion du réseau électrique n'est pas fondamentalement transformée par cette nouvelle situation et des modifications assez simples pourraient améliorer ses performances. Le système actuel de compteurs bi-horaires pourrait, par exemple, être très facilement amélioré afin d'amener plus de flexibilité sur le réseau. Différents niveaux de tarification de l'électricité permettraient d'écouler plus de courant en cas de surproduction - par exemple, quand il y a beaucoup de vent ou de soleil - et de réduire la consommation lorsqu'il y a peu de courant disponible. Des relais électriques ordinaires permettraient d’enclencher ou d'éteindre les appareils consommateurs en fonction du niveau de tarification choisi. Ce système de compteur "multi-horaires" - ou plutôt "multi-tarifs" - serait bien plus simple et efficace que les compteurs communicants, et aurait un coût économique et écologique bien moindre. De plus, il pourrait être facilement mis en œuvre à l’aide d’une technologie électromécanique simple, existante et bon marché, aisée à maîtriser et qui - contrairement aux compteurs communicants - ne consomme pas, par elle-même, d'énergie électrique.
Un recours devant la Cour constitutionnelle…
Un collectif d'associations dénommé Stop compteurs communicants a donc été créé pour que de meilleures solutions émergent. Ce collectif, dont fait partie Nature & Progrès, fut initié par le Grappe - Groupe de Réflexion et d'Action Pour une Politique Écologique - et par Fin du Nucléaire. En mars dernier, il a introduit, devant la Cour constitutionnelle, une demande en annulation des législations sur le déploiement des compteurs communicants en Wallonie et à Bruxelles.
Aux yeux de Nature & Progrès, les compteurs communicants ne seront pas à même d’apporter des solutions efficaces aux défis énergétiques auxquels nous sommes confrontés. Notre souhait est donc que ce recours amène le législateur à mettre en place une politique d'économie d'énergie véritablement efficace, respectueuse de la vie privée, de la santé et de l'environnement.
www.stopcompteurscommunicants.be Nous soutenir dans nos actions ? Faites un don au compte BE60 068057535070 |
NOTES :
(1) Clotilde Duroux, La vérité sur les compteurs communicants, éditions Chariot d'Or
(2) Paul Lannoye, Le déploiement des compteurs dits "intelligents" est une fausse bonne idée, www.grappe.be, 9 février 2018
(3) Analyse citoyenne des rapports 2016 et 2018 du comité d'experts sur les radiations non ionisantes. https://www.ondes.brussels/
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Des céréales sans pesticides,
c’est possible !
Compte-rendu de nos rencontres en fermes
Se passer complétement de pesticides chimiques de synthèse en culture de céréales, est-ce réellement possible ?
"Comment faire ? Les cultures vont-elles tomber malades ? Vont-elles subir des attaques ?
Et que dire des rendements avec toutes les plantes indésirables qui vont pousser sans herbicide ?..."
Les questions sont nombreuses mais les alternatives sont prêtes !
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Par Frédérique HELLIN
Nature & Progrès, soucieux de libérer la Wallonie des pesticides, pour le bien-être de tous, a organisé dix rencontres en ferme, au printemps dernier, pour montrer que des alternatives existent ! Eh oui, nous avons sillonné la Wallonie et sommes allés à la rencontre de seize agriculteurs qui vivent tous de leur exploitation, sans utiliser de pesticides. Et cela fonctionne ! Tous moissonnent leurs céréales et les vendent à bon prix. Leurs fermes sont différentes, ainsi que leur manière de travailler : fermes en polyculture-élevage ou en grandes cultures, labour et non-labour, vaches et moutons - pâturage précoce de céréales -, etc. Néanmoins, tous y arrivent et ne reviendraient pas "en arrière" pour citer l’un d’eux qui se montrait très réticent au passage en bio, il y a cinq ans à peine...
Bernard Maus, de Rolley, témoigne et nous donne peut-être une partie de la solution : "il faut arrêter de penser en rendement et regarder la marge économique par hectare ; ici, à Rolley, nous faisons de très belles marges, notamment grâce aux cultures innovantes."
Sans pesticides, les techniques préventives prévalent sur les techniques curatives, tel le désherbage mécanique qui vient en soutien.
Nous allons donc en passer une série en revue ; pour avoir accès à l’ensemble des alternatives aux pesticides, en céréales, une brochure sera disponible en cette fin d’année à la librairie de Nature & Progrès. N’hésitez donc pas à nous contacter.
Les techniques préventives
Lorsqu’on souhaite enfin se passer des pesticides chimiques de synthèse, c’est l’ensemble des pratiques agricoles qu’il faut remettre en question. A commencer par la rotation. Christian Schiepers, agriculteur en grandes cultures, introduit d’ailleurs comme ceci la rencontre en ferme qui a lieu chez lui : "en agriculture biologique, fini la rotation triennale ! J’ai remis en place une rotation de type long avec, en tête, une prairie temporaire de deux années. Selon moi, en bio, les problèmes ne sont pas les maladies ou les ravageurs mais bien les adventices. Je me suis vite retrouvé envahi par des chardons et des rumex."
C’est la durée, la diversité et l’alternance des cultures d’hiver et de printemps qui rendront robuste l’ensemble du système. L’alternance sera efficace dans la maîtrise des adventices. La diversité permet aux céréales et aux autres cultures de ne pas subir d’attaques de champignons ou de ravageurs, et les deux font que la rotation s’étale sur plusieurs années : en moyenne entre cinq et dix ans. Les céréales bio sont très rarement malades car naturellement résistantes : c’est lors du choix de la variété qu’on lutte préventivement contre l’enherbement - hauteur de paille, couverture au sol, etc. - ou contre les maladies ou ravageurs. Pour les semences fermières, un nettoyage s’impose avant de semer.
La date du semisest également un levier préventif pour la maîtrise des adventices. Eddy Montignies nous fait part de ses observations : "les céréales semées plus tardivement, dit-il, se portent mieux en termes de vigueur." Au niveau des adventices, passé le 1er novembre, elles ne sont plus nombreuses à germer - plus de vulpin du tout ! - et sont dans de moins bonnes conditions que les céréales, ce qui fera qu’au printemps, elles en seront à un stade précoce et partiront bien avec le désherbage mécanique à la herse étrille et/ou à la houe rotative. C’est un compromis entre le fait que la céréale soit suffisamment développée pour passer l’hiver et le fait de limiter fortement les levées d’adventices. Comme nous le verrons dans la partie "travail du sol", le roulage des céréales, après semis, est indiqué. Lors des rencontres, la date du 15 octobre est souvent la norme mais d’autres n’hésitent pas non plus à la dépasser, comme par exemple Christian Schiepers avec son triticale/pois semé le 16 décembre...
En agriculture biologique, il est souvent conseillé de semer plus dense - entre 10 à 15% - pour limiter l’effet du désherbage mécanique et de certains ravageurs comme les oiseaux. Lors des rencontres en ferme, les agriculteurs disent ajuster leur densité de semis en fonction des conditions : semences fermières ou non, prédateurs ou non, dispositif agressif de désherbage ou pas. A la ferme de la Roussellerie, on sème à deux cents kilos par hectare pour le froment car la prédation par les oiseaux est importante et le désherbage intense, tandis que David Jacquemart préconise un semis léger - à raison de cent cinquante kilos par hectare - afin de ne pas épuiser la terre…
La monoculture n’existe pas dans la nature ! Christian Schiepers le sait et a fait de ses cultures en mélanges un atout : "lorsqu’il y a des adventices dans un champ, constate-t-il, il y en a rarement plus de quatre à cinq espèces différentes. Faire des associations avec quatre à cinq espèces différentes de cultures est donc une solution pour limiter les adventices…" En termes d’alternatives, on favorisera les cultures associées - orge/avoine/pois ou triticale/pois jaune - ou encore plusieurs variétés d’une même céréale - une même précocité mais des ports de feuilles différents pour une meilleure couverture du sol - et enfin des populations - un grand nombre de variétés différentes cultivées ensemble, ce qui se fait de plus ou plus souvent avec le retour des variétés anciennes, populations de blés anciens…Une des observations sans équivoque faite lors des rencontres en ferme est l’importance de passer par le compostage du fumier, c’est-à-dire une montée en température à environ 70°C - afin de tuer les semences de rumex. William, de la Ferme des Loups, et Bernard Maus, de Rolley, ont tous deux vécu les deux situations et ne passent plus à côté de la nécessité de sous-traiter le compostage du fumier.
La gestion de l’interculture est également cruciale : un sol couvert le plus souvent possible laissera moins de chance aux adventices. L’interculture offre donc de belles opportunités pour renforcer l’équilibre et la fertilité du sol, observer comment se portent les cultures, faire des cultures supplémentaires, etc. D’une manière générale, le travail du sol agit négativement sur la présence des adventices. Après la moisson, on commence donc par le déchaumage - attention toutefois au déchaumeur à disques, aussi appelé "multiplicateur à rumex et à chardons", qui fait souvent office de faux-semis, quand les conditions le permettent. Qu’on installe ou non une culture intermédiaire, c’est un labour qui viendra la détruire et "remettre les compteurs à zéro pour commencer une culture sur un sol sain", comme l’affirment certains. Il s’agit aussi de veiller à ne pas incorporer de la matière organique fraîche dans les premiers horizons du sol, pour limiter la multiplication, de taupins.
L’état de propreté du champ de céréales est un sujet sensible. En comparaison avec un champ conventionnel, tous les champs semblent sales mais, à côté de cela, une juste tolérance vis-à-vis des adventices est importante également, ainsi qu’une remise en question sur le rôle qu’elles jouent. Citons, à ce sujet, Michel Sencier par la bouche d’André Grevisse : "il n’y a pas de mauvaises herbes, la terre fait juste pousser ce dont elle a besoin pour guérir." On se rend compte néanmoins que, sur le terrain, certaines d’entre elles posent plus de problèmes que d’autres. Et c’est bien pour cela que le désherbage mécanique existe et qu’il est en perpétuel évolution : binage par GPS, réglage hydraulique des dents de la herse étrille, etc
Les techniques curatives
Lorsque les pratiques préventives sont mises en place, le désherbage mécanique intervient sur des adventices au stade précoce, du stade filament au stade deux feuilles. Les outils qui sont à la disposition des agriculteurs sont la herse étrille, la houe rotative, l’étrille rotative et la bineuse.
Pour cette dernière, les céréales doivent être semées avec un écartement de minimum dix-huit centimètres ; elle est efficace même sur des adventices plus avancées. La herse étrille fait partie du matériel de base des agriculteurs - ou des entrepreneurs - travaillant en bio. Tout comme la houe rotative et l’étrille rotative - un intermédiaire entre les deux -, elle travaille "en plein" et arrache aussi bien les adventices sur la ligne que dans l’interligne.
Ce travail a longtemps été pratiqué - comme Christian Schiepers, André Grevisse et Philippe Loeckx nous l’on rappelé lors des visites - pour des raisons de minéralisation, au printemps : "un passage de herse étrille, c’est dix unités d’azote", en cassant la croûte.
Sans herbicides, c’est aussi sur le long terme qu’on lutte contre les adventices : on travaille à limiter le stock de graines pour les prochaines cultures. Dans le cadre de cette prévention à long terme, la ferme de la Roussellerie utilise au besoin une écimeuse, c’est-à-dire une machine qui vient couper les adventices au-dessus de la céréale, avant la récolte, et limite ainsi la propagation des graines. Ce principe est aussi utilisé dans les moissonneuses-batteuses, avec la récolte des menues pailles.
Au niveau des maladies et des ravageurs, nos rencontres en ferme ont montré qu’ils étaient rares en bio et que les moyens de traitements en céréales sont d’ailleurs inexistants : des produits autorisés en bio ne seraient pas rentables dans ce type de culture. La clé réside donc dans les pratiques agricoles qui visent l’augmentation de la biodiversité souterraine, l’équilibre et la fertilité du sol, ainsi que la biodiversité aérienne des alentours directs et indirects de la culture, comme les insectes et plantes auxiliaires.
Conclusion
Travailler en bio, c’est aussi innover, c’est se creuser la tête et aller chercher de l’aide - Biowallonie, centres pilotes, CETA, formation, etc. -, c’est tester de nouvelles choses en lien avec les observations posées sur la ferme. A l’instar de Christian ou de Bruno, le pâturage précoce des céréales par des moutons est une idée innovante - elle est suivie par la recherche ! - pour limiter le travail du sol, l’enrichir et apporter et préserver la biodiversité des campagnes. Seul bémol, pour citer Bruno Greindl : "c’est qu’il faut tout clôturer…"
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